Bien nommer les choses, c’est éclairer le malheur du monde

La novlangue managériale et politique, sous couvert de neutralité, voire sous les traits trompeurs de la bienveillance et de l’émancipation, agit en réalité comme une machine à dépolitiser le réel et à naturaliser un ordre injuste.

Bien nommer les choses, c’est éclairer le malheur du monde
Photo by Jon Tyson / Unsplash
« Tu sais que quand tu dis "pacifier", tu parles d'un pays qu'on a écrasé ? » - Laurent Gaudé, Chien 51 (2022)
« Le fascisme ce n’est pas d’empêcher de dire mais d’obliger à dire. » - Roland Barthes, Leçon (1977)

Dans son roman 1984, publié en 1949, George Orwell ne se contente pas d’exhiber les brutalités d’un régime totalitaire, il en met à jour le ressort caché : une langue appauvrie et manipulée, conçue pour restreindre le champ du pensable, pour annihiler toute possibilité même de penser différemment : « ne voyez-vous pas que le véritable but du [sic] novlangue est de restreindre les limites de la pensée ? A la fin, nous rendrons littéralement impossible le crime par la pensée, car il n’y aura plus de mots pour l’exprimer ».

Comme l’avait déjà théorisé Edward Bernays (La fabrique du consentement, 1928) celui qui contrôle les mots contrôle aussi les représentations collectives. Tout l’intérêt d’Orwell, c’est d’ouvrir le livre de recettes de cette manipulation par la langue. Principalement : réduire le vocabulaire ! Ainsi, on étouffe l’imaginaire politique. En supprimant certains mots, c’est l’esprit qu’on ampute, rendant proprement impensable/inexprimable la réalité que ces mots désignent. Si le terme de « liberté », par exemple, disparaît, c’est l’idée elle-même qui s’éteint dans la conscience. Tout aussi essentiel : pervertir le sens des mots ! Il ne s’agit plus ici de faire disparaître, mais de dénaturer ; parfois jusqu’à retourner un mot contre lui-même en lui donnant une signification opposée à celle qu’il portait. Les mots survivent, certes, mais comme des coquilles vides, prêtes à être remplies d’un contenu inversé. Ainsi, la formule orwellienne « la guerre, c’est la paix. La liberté, c’est l’esclavage. L’ignorance, c’est la force » ne relève plus de la contradiction dès lors qu’on redéfinit les catégories du langage : elle devient la vérité officielle, intériorisée faute d’autres mots pour dire le réel.
À ces deux procédés s’en ajoutent d’autres, également redoutables : l’euphémisation, l’usage massif des sigles, la prolifération d’un jargon pseudo-technique… Autant de procédés dont la familiarité devrait nous alerter.

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