« La machine est devenue l’instrument privilégié d’un nouveau despotisme. » - Lewis Mumford, Le Mythe de la Machine, 1967
Comment l’IA devient l’infrastructure du pouvoir
Le Monde diplomatique de ce mois-ci nous met en lumière une véritable contre-révolution en cours, et peut-être déjà proche de son terme : celle où la souveraineté politique glisse des institutions vers les infrastructures techniques. Les articles de Francesca Bria et d’Evgeny Morozov, lus ensemble, révèlent un basculement silencieux qui redéfinit le pouvoir sans débat public et sans retour possible.
Bria observe le basculement là où il se produit de la manière la plus nue : au cœur même de l’appareil militaire et administratif américain. En étudiant les contrats et les infrastructures, elle montre comment la frontière entre l’État et la Big Tech s’est dissoute au point de devenir inidentifiable. Le contrat de 10 milliards de dollars accordé à Palantir n’est pour elle que le symptôme le plus spectaculaire d’un mouvement plus profond : le Pentagone a confié à une entreprise privée des fonctions régaliennes entières (renseignement, logistique, ciblage, décision opérationnelle) en les intégrant dans une plateforme qui opère comme un véritable système d’exploitation de l’État. Au fil de sa démonstration, elle reconstitue ce qu’elle nomme la « stack autoritaire », un empilement d’outils (satellites, IA, serveurs, drones, réseaux de paiement) qui organise un pouvoir sans passer par les institutions démocratiques. Ce pouvoir ne se manifeste pas par de grands discours, mais par la matérialité des infrastructures : plateformes critiques (points de passage obligés) auxquelles l’État ne peut plus se soustraire ; mises à jour livrées chaque semaine depuis la Californie ; contrats si verrouillés qu’ils rendent tout retour en arrière illusoire. Dans cette architecture, Anduril fournit les outils autonomes qui redessinent la conduite des opérations militaires, et Starlink assure, depuis l’orbite basse, la colonne vertébrale des communications stratégiques. Ensemble, ces dispositifs composent une mécanique où les fonctions régaliennes cessent d’être exercées par l’État et deviennent des services opérés par les entreprises qui en contrôlent les infrastructures.
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