L’incident du vol Paris-Ajaccio ne révèle pas une faillite opérationnelle, mais un basculement mental : une société incapable d’attendre, obsédée par son ressenti individuel, prompte à judiciariser l’urgence et à transformer la peur en opportunité financière.
Les sanctions américaines contre Thierry Breton révèlent une dérive plus profonde : la banalisation de décisions politiques sans juge. Quand l’arbitraire devient acceptable contre les autres, il finit toujours par se retourner contre soi.
L’acceptation croissante de sanctions extrajudiciaires, l’intolérance à l’opinion divergente et la fascination pour l’instantanéité révèlent un basculement profond : celui d’une société qui, lassée de la justice et du débat, s’habitue peu à peu à l’abandon de l’État de droit.
Sanctions américaines : quand l’arbitraire que l’Europe tolère se retourne contre elle
Les sanctions américaines contre Thierry Breton révèlent une dérive plus profonde : la banalisation de décisions politiques sans juge. Quand l’arbitraire devient acceptable contre les autres, il finit toujours par se retourner contre soi.
Les sanctions prises par les États-Unis contre plusieurs personnalités européennes, dont Thierry Breton, constituent un événement politique important, plus révélateur qu’il n’y paraît. Officiellement, il s’agit d’une interdiction d’entrer sur le sol américain, décidée par le gouvernement de Washington, en réponse à des actions jugées contraires aux intérêts stratégiques américains, notamment en matière de régulation du numérique et de lutte contre la « désinformation ». Mais au-delà de cette justification, un point essentiel ressort : cette décision n’est fondée sur aucune procédure judiciaire, aucun jugement, ni débat public. Il s’agit d’un acte pur de pouvoir politique. C’est justement ce caractère arbitraire qui indigne aujourd’hui une partie des dirigeants européens, alors que cette pratique est devenue courante depuis plusieurs années dans l’espace euro-atlantique.
La première analyse de cette affaire, notamment celle de Georges Kuzmanovic, souligne une ironie politique difficile à ignorer. Thierry Breton n’a jamais été opposé aux États-Unis, ni un fervent défenseur d’une souveraineté européenne indépendante de Washington. Sur les grands sujets industriels, stratégiques et géopolitiques, il a toujours adopté une position conforme aux priorités américaines. Voir aujourd’hui ce type de responsable devenir victime de la fermeté américaine questionne moins la décision de Washington que l’illusion, entretenue pendant des années, d’une relation d’égal à égal. L’histoire récente montre qu’en situation de dépendance, la loyauté n’assure pas la protection. L’affaire Frédéric Pierucci, emprisonné aux États-Unis lors du démantèlement d’Alstom, en est un exemple : à l’époque, l’extraterritorialité américaine avait été acceptée sans grand scandale par une grande partie des élites politiques et médiatiques françaises, au nom de la lutte contre la corruption et de l’ordre juridique international, alors qu’elle servait des intérêts industriels précis. L’indignation actuelle semble donc sélective, tardive et, en partie, peu crédible.
Thierry Breton est interdit de voyage aux Etats-Unis.
C'est quand même hilarant de voir de fiéffés atlantistes sanctionnés par Washington.
Ceci dit, est-ce une surprise ?
Voyons voir, qu'a dit et fait Breton quand Frédéric Pierucci, un des dirigeants d'Alstom, a été emprisonné… pic.twitter.com/YSHnLSHuRG
Sur Fréquence Populaire, il n’y a pas de mur payant (paywall) :
tous nos articles sont accessibles gratuitement.
Nous vous demandons simplement de créer un compte gratuit avec votre adresse e-mail.
Cela nous permet de :
– vous prévenir de nos nouvelles enquêtes, émissions et articles,
– éviter la publicité et tout pistage intrusif,
– mieux comprendre combien de personnes nous lisent réellement.
Contribuer financièrement est facultatif : vous pouvez lire l’article sans payer.
Mais si vous le pouvez, votre soutien nous aide à faire vivre un média libre et indépendant.
L’incident du vol Paris-Ajaccio ne révèle pas une faillite opérationnelle, mais un basculement mental : une société incapable d’attendre, obsédée par son ressenti individuel, prompte à judiciariser l’urgence et à transformer la peur en opportunité financière.
L’acceptation croissante de sanctions extrajudiciaires, l’intolérance à l’opinion divergente et la fascination pour l’instantanéité révèlent un basculement profond : celui d’une société qui, lassée de la justice et du débat, s’habitue peu à peu à l’abandon de l’État de droit.
Mercosur, Ukraine, liberté d’expression : le Conseil européen de cette semaine illustre une Union européenne à la dérive, divisée, qui ne protège pas les peuples qui la compose et qui accumule les dettes. L'autoritarisme technocratique de la Commission contre les agriculteurs et l'Etat de droit.
Au nom de valeurs qu’elle prétend défendre, l’Union européenne piétine l’héritage juridique et politique de l’Europe. La démocratie ne peut survivre à l’abandon du droit. En remplaçant la justice par la décision administrative, l’Union Européenne installe l’arbitraire comme mode de gouvernement.
Recevez chaque semaine nos analyses, enquêtes et vidéos directement dans votre boîte mail.
Vous pouvez soutenir Fréquence Populaire en souscrivant à l’une de nos
formules de soutien ou par un don ponctuel ou mensuel,
en fonction de votre préférence.
Fréquence Populaire est portée par une SCIC. Selon votre situation fiscale,
vos soutiens peuvent ouvrir droit à une réduction d’impôt sur le revenu.
Renseignez-vous auprès de l’administration fiscale.